" Il fit quelques pas et, grâce à la vague clarté du ciel, il put se rendre compte aussitôt de la configuration des lieux. Il était dans une petite cour formée par des bâtiments des dépendances. Tout y paraissait vieux et ruiné. Les ouvertures au bas des escaliers étaient béantes, car les portes depuis longtemps avaient été enlevées ; on n'avait pas non plus remplacé les carreaux des fenêtres qui faisaient des trous noirs dans les murs. Et pourtant toutes ces bâtisses avaient un mystérieux air de fête. Une sorte de reflet coloré flottait dans les chambres basses où l'on avait dû allumer aussi, du côté de la campagne, des lanternes."
"Un silence profond régnait sur ce domaine. Par instants seulement on entendait gémir le grand vent de décembre."
"Des manteaux étaient accrochés aux patères. Sur une lourde table à toilette, au marbre brisé, on avait disposé de quoi transformer en muscadin tel garçon qui eût passé la nuit précédente dans une bergerie abandonnée. Il y avait, sur la cheminée, des allumettes auprès d'un grand flambeau. Mais on avait omis de cirer le parquet ; et Meaulnes sentit rouler sous ses souliers du sable et des gravats. De nouveau il eut l'impression d'être dans une maison depuis longtemps abandonnée..."
" Meaulnes, avec précaution, allait poser d'autres questions, lorsque parut à la porte un couple charmant : une enfant de seize ans avec corsage de velours et jupe à grands volants ; un jeune personnage en habit à haut col et pantalon à élastiques. Ils traversèrent la salle, esquissant un pas de deux ; d'autres les suivirent ; puis d'autres passèrent en courant, poussant des cris, poursuivis par un grand pierrot blafard, aux manches trop longues, coiffé d'un bonnet noir et riant d'une bouche édentée. Il courait à grandes enjambées maladroites, comme si, à chaque pas, il eût dû faire un saut, et il agitait ses longues manches vides."
"Il se trouva ainsi mêlé jusqu'à la fin de la nuit à une foule joyeuse aux costumes extravagants. Parfois il ouvrait une porte, et se trouvait dans une chambre où l'on montrait la lanterne magique. Des enfants applaudissaient à grand bruit... Parfois, dans un coin de salon où l'on dansait, il engageait conversation avec quelque dandy et se renseignait hâtivement sur les costumes que l'on porterait les jours suivants..."
Extraits du roman d'Alain Fournier, Le Grand Maulnes
Texte original sur le site In libro Veritas
Photos prises il y a ... longtemps.
Une grande maison abandonnée en région parisienne, et une partie des décors éphémères créés -pour les personnages- d'après des dessins de Christian Bérard à l'occasion de la soirée de fiançailles d'un couple qui m'est cher.
8 commentaires:
Superbe, chère fée !
étrange et beau !!!
et ce miroir ô mon miroir me plait
beaucoup ....
Féérique!
Enchanteur ! et ce miroir ... quel merveille de délicatesse.
> Merci Florizelle!
> Zoechiffon: Etrangeté et beauté? tout ce qui me plait ;-) Quand au -très grand- miroir, il dort profondément dans un coin de mon "grenier"...
> Merci Bridget...
> Envol de papillons: Merci Carline, il y avait même les appliques lumineuses assorties...
Ces extraits me plongent dans un lointain passé...il faudrait que je me replonge dedans...
Moi, j'ai aimé les photos des couloirs et des pièces désertifiés... quel plaisir de relire ce texte oublié depuis ...quarante ans et que je pensais ne jamais relire!
> Virginie, Caroline: Je crois que je ne l'avais jamais relu depuis mes 15 ans, mais quand j'ai retrouvé ces photos il y a quelues jours, le bal du Grand Maulnes m'est apparu avec évidence le seul texte que j'avais en mémoire capable "d'illustrer" ces images.
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